Interview – Aurélie Conti

Aurélie Conti

Aurélie Conti vit à Paris. Partie au Japon faire l’ascension du mont Fuji et accomplir un rêve d’enfance, elle en a tiré un récit de voyage, "Une nuit au mont Fuji".

SAM_0348Quelle était ta vision du Japon avant d’y poser le pied ?

Depuis des années, depuis l’enfance, même, je rêvais de ce pays qui pousse le sens de l’esthétique jusqu’à revêtir la forme d’un J alangui, comme son initiale. Tout ce qui venait du Japon me semblait beau. Et étrange aussi. Comme si c’était une autre planète. J’avais lu le récit de Dominique Noguez, Je n’ai rien vu à Kyoto. Le pays lui faisait penser à la fin de 2001 Odyssée de l’espace, lorsque Bowman se retrouve dans une chambre décorée dans un style Louis XVI. Cela ressemble à la Terre mais ce n’est pas elle. Je partageais ce sentiment d’étrangeté, qui s’est vérifié. Et, paradoxalement, j’ai aussi ressenti là-bas une impression de familiarité. C’est en écrivant le livre que j’ai compris d’où celle-ci me venait.

Quel fut ton premier choc en arrivant sur le sol nippon ?

J’ai atterri au Japon un 10 août. Dès le pied posé hors de l’aéroport, la chaleur m’a embrassée comme une bonne tante chérie. Il faisait 39 degrés et très humide. Heureusement, et bien que l’été soit plus sec en Provence, ma région natale, je me suis vite habituée à cette chaleur, je l’ai oubliée.

Peux-tu nous raconter l’expérience la plus étrange que tu as vécue au Japon ?

Lorsque j’ai visité le temple des Souris, sur le chemin de la philosophie à Kyoto. Il y avait quelque chose de magique dans l’air. Tous les animaux de pierre semblaient animés. En accrochant ma plaquette de vœux, une grosse cigale est venue s’y sancturaire-sourisposer. Ensuite, un serpent s’est enfui en frôlant le bout de mes pieds et m’a fait une belle frayeur tandis que la jungle bruissait de cris d’oiseaux et du chant des cigales. La nature tout entière semblait conspirer pour m’accueillir en ce lieu.

Tu as sorti en décembre dernier Une nuit au mont Fuji. Peux-tu nous parler de ce livre ?

Dès le lendemain de mon retour du Japon, j’ai commencé à rassembler mes notes et à rédiger un récit de voyage. Je ressentais le besoin d’écrire mes impressions le plus vite possible, pour les fixer. J’ai écrit une première version en quatre mois. Ensuite, comme je n’étais pas satisfaite, je l’ai reprise et l’ai à nouveau travaillée pendant un an. J’étais heureuse de pouvoir publier un texte abouti en décembre dernier. Une nuit au mont Fuji relate mes aventures à Tokyo, Kyoto, Hakone, Kamakura, Nara et Osaka. Mais surtout, le chapitre central est l’ascension du mont Fuji, c’est le climax, le moment le plus fort du livre. Je suis partie au Japon seule, dans le but de réfléchir et d’accomplir un rêve d’enfance, celui de gravir le mont Fuji. Étant peu entraînée, cela constituait un petit défi d’endurance…

Ce livre s’adresse-t-il à ceux qui rêvent de voyager au Japon ou à ceux qui connaissent l’archipel ?

Le livre permet aux lecteurs qui ne connaissent pas le Japon de faire un aller-retour en quelques heures et d’en visiter certains des endroits les plus marquants sans l’inconvénient du décalage horaire. Quant à ceux qui y sont déjà allés, il paraît que cela leur rappelle des souvenirs…

Que représente pour toi le mont Fuji ?

Fuji, nom magique gravé dans le bois tendre de l’enfance.

Fuji, image d’un Japon enchanté, depuis toujours promis et aimé.

Fuji, volcan sacré, 3776 mètres récités par les écoliers japonais, comme par cœur on apprenait les 4807 mètres du mont Blanc.

IMG_0846Le sommet du mont Fuji est l’endroit le plus rapproché du ciel. C’est le conte des contes japonais qui le dit, celui du coupeur de bambous. Un jour, un vieux coupeur de bambous trouva un bébé de la taille d’un pouce au cœur d’une tige de bambou. Sa femme et lui n’ayant pas pu avoir d’enfant, ils furent très heureux d’adopter cette petite fille, qui grandit normalement et devint une ravissante jeune femme. De nombreux prétendants demandaient sa main, elle les repoussait tous, jusqu’à l’empereur. La princesse Kaguya ne pouvait pas s’engager avec un humain, car elle n’était pas d’ici, elle devrait un jour retourner chez elle. Pour atténuer le chagrin de l’empereur, elle lui offrit l’élixir d’immortalité, avant de s’envoler pour la Lune, sa patrie d’origine, vêtue d’une robe de plumes. Mais le souverain ne voulait pas devenir immortel sans la princesse à ses côtés, alors il fit brûler l’élixir au sommet du mont Fuji, à l’endroit où la princesse s’était élancée vers la Lune. Telle est l’origine de la fumée qu’on a pu observer par le passé s’échappant du volcan, et l’origine de son nom ; Fuji signifierait immortalité.

Quand j’étais enfant, le mont Fuji était une montagne magique, écrêtée d’un coup de sabre par un samouraï en colère. En grandissant, je rêvais d’y aller. Aimant contempler les panoramas, je me demandais à quoi ressemblait le monde, du haut du volcan sacré. J’avais toujours pensé me rendre en Asie à l’âge de trente ans, pas avant, une fois que j’aurais suffisamment lu et assez voyagé, une fois l’Europe et l’Amérique explorées. L’Asie était un continent que l’on ne pouvait aborder qu’avec une certaine maturité, ainsi voyais-je les choses. J’ignore d’où me venait ce principe. Quant au reste du monde, si j’envisageais de le visiter aussi, c’était encore plus tard. La décennie asiatique avait fini par arriver. Je n’avais pas lu tous les livres, je n’avais pas vu tous les pays et, pire, j’avais l’impression de m’être éloignée de moi-même. Honorer mon rendez-vous avec le mont Fuji m’avait semblé être la première étape pour me retrouver.

As-tu d’autres projets littéraires incluant le Japon ?

J’envisage un projet illustré d’Une nuit au mont Fuji, incluant des dessins personnels à l’aquarelle ou à l’encre de Chine et aussi ceux de mes amis de l’académie de la Grande Chaumière, qui ont tous lu le livre et m’ont promis un dessin chacun !

Quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui préparent un voyage au Japon ?

Une fois les grandes lignes du voyage décidées et les guides potassés, rêver. Une fois sur place, se perdre. En japonais, errer sans but se dit bura bura suru. Entre deux visites, il faut en faire sa maxime. C’est ainsi que l’on fait de vraies découvertes et je le conseillerais pour tout voyage. Bien sûr, je recommande la lecture de classiques japonais comme Mishima et Tanizaki par exemple. Il y a aussi le site Comaujapon qui donne de bons conseils en matière de littérature japonaise.

tempuraQuels sont pour toi les incontournables au Japon ?

Les incontournables du Japon sont les rêves de chacun. Cela est subjectif. Ce qui est incontournable est d’aller au Japon.

Allez, donne-nous faim. Quelles sont tes trois spécialités culinaires japonaises préférées ?

Je suis gourmande et mon livre est constellé de dégustations diverses. Ce que j’ai retenu est très simple mais on ne le trouve pas en France : une brioche aux haricots rouges accompagnée d’un lait chaud au thé vert matcha. Et puis j’ai toujours adoré les tempuras.

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