Interview – Amélie-Marie in Tokyo

Amélie-Marie in Tokyo

Originaire de Nantes et passionnée par les voyages, Amélie-Marie suit des études de Droit international avant de s'envoler pour des contrées lointaines. Après la Turquie, la Russie et l'Ouzbékistan, cap vers le Japon. Trois ans plus tard, elle travaille dans une école de langue de japonais tout en tentant de maintenir son blog à jour et d'écrire pour Dozodomo.

ma-in-tokyoQuelle était ta vision du Japon avant d’y poser le pied ?

Si j’ai grandis comme beaucoup avec l’animation japonaise et les jeux vidéo, mon amour pour le Japon et la culture japonaise m’est venu d’un manga de Jirō Taniguchi, Au temps de Botchan. Cette oeuvre narrant la vie d’intellectuels et d’écrivains japonais au XXème siècle, a été un véritable déclic. Je commence à dévorer tout ouvrage se reportant au Japon que je peux trouver. À 19 ans, je prépare mon premier séjour dans l’archipel avec en tête, un Japon traditionnel et difficilement pénétrable, mais aussi un Japon qui transparait à travers la culture populaire qu’il a su si bien exporter. Entre les images de lolita et d’otaku déguisés, je me voyais croiser le chemin de jeunes femmes en kimono. J’avais déjà la vision de la mégalopole avec en toile de fond, le mont Fuji et au loin, les montagnes telles qu’elles sont décrites dans Mononoke Hime. La veille du voyage, l’anxiété m’a tenue éveillée : allais-je retrouver le « Japon » que je connaissais ?

Quel fut ton premier choc en arrivant sur le sol nippon ?

Pour être tout à fait honnête, la température (rires). J’ai débarquée en Août 2007, une année marquée par une canicule spectaculaire sur la région de Tokyo. Mais au-delà des considérations météorologiques, la gentillesse et l’accueil du personnel à l’aéroport, après une expérience désagréable à CDG, a été un second choc. Perdue face aux terminaux de bus, plus d’un japonais a tenté de guider mon chemin. Venant de Nantes, la mégalopole tokyoïte m’a complètement déboussolée et pendant près de 2 jours, j’ai erré dans les rues, mon guide de voyage quasiment inutile tant je n’arrivais pas à me faire de repères. J’étais éberluée par les premières images du Japon, la propreté des rues, les tenues des gens, les publicités envahissantes. Le bruit de la ville mais aussi sa constante activité me vidait de mes forces.

Peux-tu nous raconter l’expérience la plus drôle que tu as vécue au Japon lors de tes précédents voyages ?

Arrivée à Akihabara, nous sommes perdues avec une amie. Nous avons pris la mauvaise sortie et sommes très loin du quartier high-tech, si populaire auprès des touristes. Un salaryman s’arrête et tente de nous expliquer la route… Peine perdue, entre notre japonais absent et son anglais limité. Il décide de prendre du temps sur sa pause déjeuner pour nous guider. Finalement, arrêtés devant le début du quartier Akiba comme il est parfois appelé, il nous pointe une très grande boutique. Avec un clin d’oeil, il nous conseille de l’explorer et nous donne son numéro de téléphone. Si vous avez envie de vous amuser les filles ! Très naïves, nous nous sommes engagées dans le magasin avant de réaliser… qu’il s’agissait d’un sex shop. Maintenant, j’en rigole volontiers. Sous le coup, c’était beaucoup moins drôle. Il m’est arrivé des tas d’aventure et en faire une liste serait bien longue… Comment je me suis égarée sur le Mont Fuji, comment dans un onsen, me trompant de porte, j’ai failli aller nue dans les couloirs de l’hôtel etc. Je partage volontiers mes anecdotes autour d’un verre pour les visiteurs de Tokyo !

Aujourd’hui, tu vis au japon. Comment s’est passé ton installation ?

Au total, je suis venue deux fois au Japon en touriste. En 2007 pendant un mois et en 2012 pendant 3 mois avec mon compagnon Japonais. J’étais tombée sous le charme dès mon premier voyage, mais je n’ai jamais eu directement pour projet de revenir et de m’y installer. C’est la rencontre de mon époux japonais qui a changé la donne. Lorsque je suis revenue avec un visa vacances-travail, j’étais déjà sur un terrain familier, d’autant plus que j’avais beaucoup de contacts japonais pour m’aider dans l’installation. Je peux dire que j’ai été très chanceuse car, chaque jour dans le cadre de mon travail, des étrangers me demandent de l’aide pour les comptes en banque ou le téléphone portable, ou encore, comment trouver un logement. Mon installation matérielle a été très facile. En revanche, s’habituer à une autre société, une autre culture, réapprendre des règles de vie en communauté différente fut une autre histoire. Après presque 3 ans au Japon, je ne suis pas toujours certaine de mon intégration dans la société nipponne. J’aime ce pays, mais beaucoup de chose me frustrent, notamment les problèmes politiques et sociaux qui minent en ce moment le Japon. Les français ne réalisent pas à quel point ils sont chanceux de pouvoir débattre, critiquer, manifester, bref défendre leurs opinions et se battre pour leurs droits et leurs positions.

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Tu tiens un blog, Amélie Marie in Tokyo. Que peut-on y trouver ?

Oui ! Je l’ai ouvert 6 mois après mon arrivée. Tout d’abord par réaction : il existe de très bons blogs sur le Japon ainsi que de bonnes plateformes pour en parler : Dozodomo, Kanpai, Bene in Fukuoka (en interview sur Mission Japon ici) mais aussi plein de petits blogs personnels super à découvrir. Mais je n’y trouvais pas ma « voix ». Je pêche sans doute un peu d’orgueil, comme beaucoup, et j’avais envie de transmettre le Japon tel que je le vois et le ressens. J’ai beaucoup tâtonné au fil du temps. J’aime parler de politique, mais aussi de ma vie quotidienne, de sujet de société. J’ai tenté de glaner quelques bonnes adresses, mais je suis très occupée et tenir à jour un beau blog complet, c’est un métier en soi ! Au final, je pense que ce qu’on y trouve principalement, ce sont des bouts de Japon vus par une française qui a encore beaucoup à apprendre !

Tu es également rédactrice pour le site Dozodomo. C’est quoi Shojo Kissa ?

J’ai découvert Dozodomo un peu par hasard et j’ai adoré le concept. Plusieurs auteurs bénévoles, vivant ou non au Japon, chacun avec son style et ses intérêts. Nous reprenons des nouvelles du Japon, mais la majorité des articles sont le fruit du travail de recherche et d’analyse de chacun. Shoujo kissa, c’est une chronique un peu particulière, donnant la parole aux femmes : parler de la contraception au Japon ou encore de la sexualité, mais aussi du porno « au féminin ». Nous tentons de la tenir une fois par mois, mais là encore, ce n’est pas évident de jongler entre mes différentes activités. Pour l’article sur la contraception par exemple, il m’a fallu plusieurs jours de travail (recherche en anglais, en japonais, analyse de tableau, questionner les japonais autour de moi) avant de livrer un tableau de la situation dans l’archipel. Je tente de faire de mon mieux pour développer des articles justes.

Quels sont les sites, réseaux et/ou chaînes Youtube que tu suis le plus ?

La presse – à part le sport et le divertissement, est très importante. En tête, Le Monde, le New York Times et le Japan Times. Le journalisme me passionne et j’aime me tenir informée. Mon réseau social favori est Twitter: je suis une grande utilisatrice du petit oiseau bleu, qui permet très rapidement de savoir ce qui se passe non seulement au Japon, mais aussi en France. Je ne suis pas du tout Youtube. Pour être honnête, j’ai du mal avec ce support !

Quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui souhaitent s’installer au Japon ?

Se renseigner et croire en l’expérience de ceux qui vivent au Japon depuis un certain nombre d’années. Lorsque l’on vient vers moi avec des rêves plein la tête, je comprends tout à fait le désir de venir vivre ici. Mais le Japon n’est pas un pays facile et on ne le répètera jamais assez. Mon conseil numéro 1 avant de s’engager dans un grand changement de vie (2 ans en visa étudiant, par exemple), c’est de venir se mouiller quelques temps en touriste. J’ai croisé la route de quelques personnes qui ont adoré leur expérience ici, mais qui ont réalisé qu’elles ne souhaitaient pas « vivre » et s’installer au Japon. Les conditions de travail ne sont pas les plus agréables et les salaires sont bas (sauf à être dans le groupe des élus, les ingénieurs ou personnes très qualifiées). Les couvertures médicales sont loin de valoir notre sécurité sociale et je ne suis pas certaine de la qualité de la médecine ici. Le coût d’une alimentation variée avec légumes et fruits est relativement lourd sur Tokyo. Je crois qu’il ne faut pas foncer dans le mur pour le Japon à tout prix : il y a du très bien, du bien et du pas terrible. Je crois qu’une personne qui se prépare et se « sépare » de ses œillères sur le Japon, pourra tout à fait réussir à s’installer !

Quels sont, pour toi, les incontournables lors d’une visite au Japon ?

Matsumoto

Je dois avouer que je suis lassée des « incontournables » listés dans les guides. Je comprends tout à fait que pour le nouveau venu, il y a des étapes « à faire » mais beaucoup sont sans grand intérêt à mes yeux, comme Shibuya, Ginza… Je crois que c’est aussi une histoire de préférence. Je suis une amoureuse de Tokyo, en particulier ses quartiers encore peu fréquentés par les touristes occidentaux. Alors plutôt que de citer des lieux, j’aurai plutôt des conseils. Aller là où les touristes ne vont pas forcément en premier. Les petites villes, la campagne. Matsumoto est une petite ville dans les Alpes japonaises. Malgré son beau château, ses onsens et sa situation dans les montagnes, ce n’est pas une destination souvent évoquée. Tenter les sentô (bains publics) et tous les endroits quotidiens des japonais : petites échoppes, restaurants un peu décrépis. Il ne faut pas avoir peur et se lancer à l’eau (rires).

Allez, donne-nous faim. Quelle est la spécialité culinaire japonaise que tu préfères ?

Le tofu. Sérieusement, on fait tellement de recettes délicieuses avec cette ingrédient (y compris des crèmes brulées !) que je ne m’en lasserai jamais. Il est concurrencé par les yaki soba, des nouilles sautées avec des légumes et du porc. Le curry japonais est aussi un plat qui réussit à tous les coups. Mon mari l’a préparé pour ma famille lors de notre passage en France. Succès garantis.

 

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