Interview – Florent Gorges
Florent Gorges
Florent Gorges, né à Dijon en 1979. Auteur, biographe, historien du jeu vidéo, animateur sur la chaîne Nolife, traducteur/interprète (JP/FR) et président de la société Omaké Books. Continue de vivre entre la France et le Japon, où il a vécu plus de 7 ans.Quelle était ta vision du Japon avant d’y poser le pied pour la première fois ?
Étrangement, ma « vision » correspondait très bien à la réalité. Depuis ma tendre enfance, j’ai longtemps rêvé du Japon. Mais j’ai eu la chance de ne pas le « fantasmer ». Du coup, ce que j’ai trouvé dans ce pays correspondait à ce que j’imaginais. Ce qui, en soit, est une super surprise car j’en attendais beaucoup.
La première fois que j’ai posé le pied au Japon, c’était pour un séjour d’un an dans un lycée japonais, en famille d’accueil. J’avais 17 ans… Et plutôt que des a priori, je pense que j’avais surtout très hâte de découvrir, d’absorber et non de confirmer/vérifier Je n’avais pas forcément beaucoup d’attentes dues à mes visions du Japon, mais j’étais surtout hyper motivé pour me faire des amis et apprendre la langue japonaise pendant cette année scolaire.
Sont-ce les jeux vidéo qui t’ont amené à vouloir découvrir le Japon ?
Pas vraiment. Ça fait sûrement partie d’un tout. Mais quand j’étais gamin, j’ai eu une passion précoce pour tout ce qui touchait à l’Asie. Et forcément, à 7 ans, on ne fait pas la différence entre la Chine, le Japon, Hong-Kong, la Corée, Vietnam, etc. Bref, tout ce qui était asiatique me fascinait, pour une raison que j’ignore (peut-être n’y en a-t-il pas ?). Et le Japon, pays ouvert, dont la culture entrait plus facilement en France que celle d’autres pays de la région, est naturellement devenu le pays dont la masse d’infos disponible a permis que je m’y intéresse plus qu’un autre. Mais sinon, oui, vu que je jouais aux jeux vidéo, le jeu vidéo japonais faisait partie de mes nombreux centres d’intérêt nippons.
Quel fut ton premier choc en arrivant sur le sol nippon ?
Les lycéennes ! N’allez pas chercher la moindre connotation déplacée à ma réponse, hein ! C’est juste qu’en arrivant dans un lycée japonais à 17 ans après avoir passé des années dans les collèges/lycée français, le choc a été violent ! En fait, j’ai sincèrement eu l’impression de revenir au collège. Là-bas, à l’école, les filles et les garçons ne se mélangent pas vraiment, les lycéennes nippones tapent des pieds et hurlent de joie à la moindre vision d’un porte-clés kawaii, etc. C’est assez rigolo à voir au début, mais à l’époque, j’ai vraiment trouvé que les Françaises et les Japonaises ne gagnaient pas en « maturité » à la même vitesse. Autant en France, avec mes amies de classe, je parlais philo, on refaisait le monde, on était révoltés contre tout, la société, les adultes, la politique (sans même rien n’y comprendre), autant au Japon, discuter avec une lycéenne de tout ça était impossible. On parlait plutôt de Tamagotchi, de Kitty Chan et de boys band. Bref, j’avais l’impression de revenir au collège. Mais ça n’est pas une critique, au contraire ! J’ai trouvé les Japonaises de mon lycée nippon moins « intéressantes » que mes camarades françaises, mais bien plus « naturelles » et bien moins « blasées de la life ». Au Japon, les adolescentes n’essaient pas autant de se donner un genre pour paraître matures, rebelles, adultes. Ce sont des gamines et elles n’essaient pas de grandir plus vite que la musique…
Tu es présentateur TV, éditeur, auteur de livres et de documentaires, j’en oublie très certainement. Quelle est la part du Japon dans l’ensemble de tes activités ?
Quoi que je fasse, il y a pratiquement toujours un lien avec le Japon. C’est le liant à toutes mes activités. Je traduis beaucoup de mangas, j’interviewe de nombreux créateurs japonais de jeux vidéo et le résultat de mes interviews finit dans mes bouquins ou dans mes émissions. Sans parler des missions d’interprétariat avec des artistes japonais, etc. Bref, mon quotidien tourne toujours un peu autour du Japon et de sa culture. J’ai passé plus de 7 ans là-bas donc forcément, pas facile de s’en soustraire. 🙂
Tu organises des voyages assez étonnants sur les traces de Nintendo. Peux-tu nous en dire plus ?
En effet, pendant des années, j’ai organisé des voyages « gamers » au Japon. Pendant une dizaine de jours, nous partions à Kyoto, Osaka, Tokyo et d’autres lieux avec un groupe de Français. Et je les emmenais dans des lieux méconnus des circuits touristiques avec une thématique principale : le gaming. Donc on allait voir tous les bâtiments où lieu en rapport avec Nintendo à Kyoto, on allait visiter des salles d’arcade qui sortent de l’ordinaire et on passait des soirées exceptionnelles avec des grands noms du jeu vidéo japonais. Mais cette année, j’arrête ces voyages. Plus le temps d’organiser ça, malheureusement.
Que t’ont apporté tes rencontres avec les grands noms du jeu vidéo ?
Beaucoup de connaissances ! Et la matière première de mon travail actuel.
As-tu des projets professionnels en rapport avec le Japon que tu pourrais partager avec nous ?
J’en ai toujours ! Du coup, là, c’est un peu difficile de résumer… Il sort des trucs tous les mois de mon travail… Des articles, des livres, des traductions, etc. J’ai récemment écrit la biographie officielle de Yoshitaka Amano et je prépare d’autres biographies officielles…
Peux-tu nous raconter l’expérience la plus drôle que tu as vécue au Japon ?
La plus drôle ? Euh… pas facile à trouver comme ça, là… Ah oui, un truc me revient. Ce n’est peut-être pas la plus « drôle » mais c’est celle qui me revient à l’esprit, là. En 2002, je vivais à Niigata et j’aidais à la préparation de la coupe du monde de foot co-organisée par le Japon et la Corée. Nous devions recevoir, à Niigata, plusieurs matchs dont un avec l’Angleterre. Le Japon vivait une vraie folie autour de David Beckham. Et je me souviens qu’un soir, vers 21h, après un entraînement de basket (j’allais jouer au basket après le boulot), je rentrais chez moi en vélo, en sueur, en short et t-shirt. Je suis passé devant l’hôtel où logeait l’équipe d’Angleterre. Une foule de fans, de paparazzi, de journalistes faisaient le pied de guerre toute la journée. Là, quelqu’un m’a vu passer en vélo, m’a montré du doigt en criant : « Beckham !!! ». Tout le monde s’est alors retourné vers moi, les photographes ont commencé à me mitrailler et dans un réflexe qui n’appartient qu’à des fans, des filles se sont mises à hurler. Quand ils ont compris que le mec avait fait une blague et que je n’étais pas Beckham, ils se sont calmés et ont repris leur position de base. Ils croyaient vraiment que Beckham débarquerait dans un uniforme de basket, en vélo et en sueur ? Ça m’a fait marrer…
Quels conseils donnerais-tu à celles et ceux qui préparent un voyage au Japon ?
De se renseigner sur les bonnes manières et les quelques règles de base du savoir-vivre (bien attendre son tour, faire la queue quand des gens attendent, rester patient sans s’énerver, ne pas traverser n’importe où et n’importe quand, ne pas fumer hors des zones autorisées, etc.).
La dernière question pour nous donner faim. Quelle est, pour toi, la meilleure spécialité culinaire japonaise ?
Y a rien de meilleur qu’un bon bol de ramen tonkotsu ou bien juste une assiette de variétés sashimi bien frais. Avec juste un peu de wasabi et de sauce de soja. Miam !